Profitons de nos journées de confinement pour découvrir ou redécouvrir un trésor de la liturgie catholique, une prière qui pourra nous accompagner dans ces jours de la Passion. Il s’agit de l’hymne Vexilla Regis ('Les étendards du Roi'). Une hymne liturgique est un texte poétique chanté pendant les offices ou les messes, mais qui n’est pas tiré de la Bible. Beaucoup de ces hymnes ont été écrites dans les premiers siècles de l’Eglise par des évêques ou des moines. Elles sont des trésors non seulement par leur antiquité, mais aussi parce qu’elles sont de véritables témoins de la foi de toujours. Quand nous les chantons, nous nous connectons à l’Eglise des siècles et nous formons un seul cœur (un seul chœur !) avec les saints de tous les temps. Par leurs paroles et leurs mélodies intemporelles, elles façonnent notre foi et notre esprit catholiques.
L'hymne du Vexilla Regis a été écrite par Saint Venance Fortunat (530-609). A vingt-cinq ans, la reine Sainte Radegonde s’était retirée dans un couvent qu’elle avait bâti près de Poitiers. Elle cherchait quelques reliques pour sa chapelle quand l’empereur Justin II et l’impératrice Sophie lui envoyèrent un morceau de la vraie Croix sur laquelle s'est opérée la Rédemption du monde. Pour célébrer l’arrivée de la sainte relique, la reine demanda à Mgr Fortunat de créer une hymne pour la procession d’accompagnement jusqu’à la chapelle. La foule, tout en marchant, chanta cette hymne composée spécialement à cette occasion (hymne chantée pour la première fois le 19 novembre 569 !). Aujourd'hui, l'Église chante traditionnellement cette hymne pour le "Temps de la Passion", le Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur, le Vendredi-Saint et pour la Fête de la Croix Glorieuse (Exaltation de la Sainte Croix au 14 septembre).
Voici le texte avec trois interprétations musicales différentes :
- la première est celle de la maîtrise de Notre-Dame de Paris, qui nous permettra d’entendre résonner les voix et l’orgue de la cathédrale, un an après son incendie.
- la deuxième est une interprétation grégorienne par les moines de Ligugé : en ces jours où nous vivons quasiment comme des moines, nous aurons à cœur de nous unir à ces communautés monastiques qui veillent constamment dans le travail et la prière.
- la troisième est une interprétation polyphonique de Bruckner de 1892.
Vexilla Regis
prodeunt,
fulget Crucis mysterium : quo carne carnis conditor, suspensus est patibulo.
Quo, vulneratus
insuper
mucrone diro lanceæ, ut nos lavaret crimine, manavit und(a) et sanguine.
Impleta sunt
quæ concinit
David fideli carmine, dicens: In nationibus regnavit a ligno Deus.
Arbor decor(a),
et fulgida,
ornata Regis purpura, electa digno stipite, tam sancta membra tangere.
Beata, cujus
brachiis
sæcli pependit pretium, statera facta corporis, prædamque tulit tartari.
O Crux, ave,
spes unica,
hoc Passionis tempore, auge piis justitiam, reisque dona veniam.
Te, summa, Deus
Trinitas,
collaudet omnis spiritus : quos per Crucis mysterium salvas, rege per sæcula. Amen. |
Les étendards du Roi s'avancent,
mystère éclatant de la Croix ! Au gibet fut pendue la chair du Créateur de toute chair.
C'est là qu’Il reçut la blessure
d'un coup de lance très cruel, et fit sourdre le sang et l'eau pour nous laver de nos péchés.
Ils sont accomplis, les oracles
véridiques chantés par David lorsqu'il a dit : « Sur les nations, Dieu a régné par le bois ». Arbre dont la beauté rayonne, paré de la pourpre du Roi, d'un bois si beau qu'il fut choisi pour toucher Ses membres très saints !
Arbre bienheureux ! À Tes branches
la rançon du monde a pendu ! Tu devins balance d'un corps et ravis leur proie aux enfers !
Ô Croix, salut, espoir unique !
En ces heures de la Passion, augmente la justice des saints, remets les fautes des pécheurs.
Dieu, Trinité suprême,
que tout esprit Vous célèbre ; gouvernez sans fin ceux que Vous sauvez par le mystère de la Croix. Amen. |
Abbé Louis-Léopold FRÉCON
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